Lendemain de bal

1glmf0_graqw0nmn8c9yt9w

 

Chassé de ma chambre par l’insomnie, j’entre à l’aube dans la salle de bal où traînent encore les vestiges de la fête. Sans bruit, les servantes sont déjà à l’œuvre pour faire disparaître les traces des heures de débauche. Balayer le cristal brisé, emporter les nappes froissées, frotter le dallage pour en effacer la trace des liqueurs répandues. Roulettes silencieuses, pinces agiles, les servantes travaillent vite et bien. Je me penche pour ramasser un loup de velours mauve. La voilette de gaze porte une tache de sang.

Je m’aperçois que je ne suis pas le seul humain dans la salle. Une femme se tient debout dans l’embrasure d’une des hautes fenêtres ouvertes sur le parc. Les premiers rayons du soleil dessinent à contrejour les courbes voluptueuses de son corps. Elle se tourne vers moi. Son visage nu  est baigné de larmes. Elle fait quelques pas à ma rencontre, les épaules secouées de frissons. Je parviens près d’elle à temps pour lui éviter la chute. Les servantes sont déférentes mais efficaces, rien ne doit traîner au sol.

Elle s’appuie sur mon bras pour monter l’escalier de marbre. J’ai encore assez de poigne pour la soutenir, pour combien de jours encore, combien de nuits ? Je sens à travers ses vêtements la chaleur de la fièvre et les battements rapides de son cœur. Ce soir, la danse reprendra sans elle. Ce soir, un peu moins nombreux, nous essaierons d’oublier dans la musique et l’orgie les progrès de l’épidémie.

image Pixabay – Déjà publié sur https://medium.com/@lilasseewald

Laisser un commentaire