La femme paradis, Pierre Chavagné

Une femme seule dans la nature ou plutôt face à elle, une tragédie dont nous saurons peu de choses et qui semble avoir remis à zéro l’ordre social, et voilà notre imaginaire en roue libre, convoquant toutes les robinsonnades, les post-apocalypses, avec leurs images de renaissance, de reconstruction du monde à partir de rien. Il nous faudra bientôt déchanter.

Pourtant tout y est, et Pierre Chavagné nous lance les références comme des leurres. Le Granite House de Jules Verne, la grotte-matrice du Robinson de Tournier, l’empreinte de pied qui jette celui de Defoe dans la panique et le renvoie tremblant à sa forteresse. Fausses pistes.

Car on est bien sur une île, même si la mer est absente. La vue porte loin. Mais ce que la femme guette, ce n’est pas la voile salvatrice, c’est l’ennemi.

Elle a pour elle ses alliés élémentaux, le végétal et l’animal qui la nourrissent, le minéral qui l’abrite et la protège. Une fois disparus le lien social et la technique, tout est réduit à sa plus archaïque expression. La force de la femme tient à l’ascèse à laquelle elle s’astreint jusqu’à la mortification de la chair, telle un ermite des premiers temps confronté aux démons de la mollesse, à son alliance avec les éléments, avec la terre, l’air, le feu et l’eau, avec le brûlant et la glace, avec son arme.

On peut lire ce livre, beaucoup l’ont fait, comme un thriller haletant, un page-turner diabolique, ce qu’il est sans l’ombre d’un doute. Mais je conseillerais à ceux qui l’ont lu ainsi de le relire et de s’arrêter sur sa dimension poétique, sur la force des images primitives. C’est aussi un ouvrage de rêverie.

La femme paradis de Pierre Chavagné. Éditions Le Mot et le Reste, 18€.  (144 p.) ; 21 x 15 cm

Laisser un commentaire