Mer rouge. C’est tout ce que dit l’inscription au dos de la photo. La question se pose, est-ce l’aller ou le retour ? Je penche pour l’aller, le mince jeune homme blond qui ressemble à David Bowie dans Furyo ou au Saint-Loup de la Recherche peut bien avoir 19 ans. Il vient de s’engager dans l’infanterie coloniale. J’entendrai parler de ce voyage, à bord du paquebot Pasteur, vers ce qu’on appelait encore l’Indochine. Vingt jours pour Haiphong, via Port-Saïd et Aden. L’aller, avec trois camarades dont sans doute fait partie le garçon au calot, et le retour, sans eux.
Des deux années passées là-bas, à commander comme sergent des soldats africains encore plus dépaysés que lui, presque rien. Quelques anecdotes, toujours les mêmes. Un bambou suspect, sur une digue entre deux rizières, et le peloton qui disparaît dans la nuit, laissant le jeune sous-off seul avec sa trouille. Et peut-être était-ce ainsi, après tout, le vide des journées, la chaleur, l’ennui militaire, les nuits coloniales. Et à la fin, quelques bandes de fusil-mitrailleurs tirées contre un ennemi invisible, avec le cuistot du poste.
Il a déjà rencontré celle qui sera ma mère, à Nîmes. Ils se sont promis l’un à l’autre. Est-ce qu’il m’est permis d’évoquer la correspondance entre les deux jeunes gens ? Je n’en connais rien, et n’en veux rien connaître, bien sûr, hormis les quelques mots inscrits au dos des photos de son écriture élégante..