Enfant, je me tenais à l’entrée des grandes vacances comme au bord d’un océan à traverser. Le temps était si long, l’autre rive si lointaine. Deux mois, ce n’étaient pas huit pauvres semaines, mais une part incommensurable d’éternité, au-delà de laquelle la vie serait autre.
Nous vivions au bord de la mer. La plage, le bain qu’on nous interdisait pendant trois heures après le repas, malgré notre envie de nous jeter dans les rouleaux, cela avait commencé depuis longtemps, les dimanches, quand le printemps avait été assez chaud. Le soleil et les amis étaient là tous les jours, ce n’était pas une question qu’on se posait.
Parfois, on prenait un bateau, on m’emmenait voir une grand-mère, à Nice. C’était un autre monde, plein de bruit : des trains qui passaient sans arrêt, le grondement assourdissant des avions au décollage qui faisait s’interrompre les conversations, la sirène d’une usine proche. La mer était là aussi, mais lointaine, peu familière, hérissée de galets rudes.
Et puis un matin, les pavés de la citadelle brillaient, vernis par la pluie. Il y aurait encore des beaux jours, mais ils n’auraient plus le même goût d’éternité. C’était la rentrée.